Dans le cadre de mon travail en tant qu’art-thérapeute, je suis souvent confrontée au désir de la personne qui vient, de faire du beau.
Mais la beauté c’est quoi ?
Peu arrivent à répondre à cette question et il m’a fallu vingt ans de lectures, discussions, pensées, pour arriver à la définir.
Ce que j’ai appris, c’est que la manière de voir, de sentir et d’appréhender la beauté est quelque chose d’unique et propre à chacun.
Je me suis frottée à mon ressenti lors d’expositions céramiques, où les objets étaient parfaitement exécutés. Ils étaient beaux, du point de vue esthétique, certes, mais je les trouvais morts. Oui, ils ne me parlaient pas.
Dans mon travail artistique avec la terre ou le papier. J’avais remarqué depuis longtemps que c’étaient les parties cassées, fendues, imparfaites qui me plaisaient. Ces endroits me touchaient. Ils parlaient à mon cœur et à mon âme, pas à mon esprit cartésien.
Ce que je trouvais beau et que je trouve encore actuellement beau, ce sont ces éclats, ces erreurs, ces différences. Elles racontent la vie, pour moi. Elles disent les luttes, les chutes, le temps qui passe. Elles racontent la richesse de ce qui a été vécu, traversé, enduré. Et cela je le vois aussi dans les personnes que je croise au détour d’une table de restaurant ou dans la rue.
C’est cette partie « abîmée » qui m’attire et que j’entends. J’y vois la beauté, la force et la puissance de cette part de l’être. Cela me montre le samouraï ou l’onna-bugeisha (la femme samouraï) qui est à l’intérieur et qui ne demande qu’à exister.
Pour les samouraïs, avoir des cicatrices était une manière de montrer sa bravoure et son courage au combat. Cela disait « regarde je me suis battu et je suis encore en vie ».
C’est ça la beauté pour moi. Cet espace infime entre la vulnérabilité et la force, entre la peur et le courage, entre la vie et la mort.
La beauté me touche. Elle me fait vibrer. Elle ne correspond pas à un code esthétique édicté par une culture, une société, mais elle parle de souffrance devenue résilience et de cicatrices devenues richesses.
La beauté est intrinsèquement liée à la philosophie du wabi sabi, la beauté de l’imperfection, de ce qui est vieux, de ce qui est cassé.
Je la trouve dans ma vie, dans mon travail et dans les personnes qui m’entourent.
La beauté parle à mon âme.
Pour en savoir plus : De l’origine de la beauté, J. H. Griffin, ed Hozoni, 2020
Véronique